Inspection Oued Fodda (Chlef)

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Dix nouvelles compétences pour un métier nouveau


" Dix nouvelles compétences pour enseigner " est le titre d'un livre inhabituel (Perrenoud, 1999a), construit autour d'un référentiel de compétences en vigueur à Genève et dont il est le libre commentaire, une explicitation parmi d'autres possibles.

Ce référentiel identifie une cinquantaine de compétences qui deviennent cruciales dans le métier d'enseignant. Certaines sont nouvelles ou prennent aujourd'hui une importance croissante, au gré des transformation des systèmes éducatifs aussi bien que du métier et des conditions de travail des enseignants.

Ces compétences sont réparties en dix grandes " familles " :
1. Organiser et animer des situations d’apprentissage.
2. Gérer la progression des apprentissages.
3. Concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation.
5. Travailler en équipe.
6. Participer à la gestion de l’école.
7. Informer et impliquer les parents.
8. Se servir des technologies nouvelles.
9. Affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession.
10. Gérer sa propre formation continue.

Ces compétences sont-elles réellement " nouvelles " ? Définissent-elles le " métier nouveau ", dont Meirieu (1990) esquissait le scénario il y a plus de dix ans ? Représentent-elles une rupture ou sont-elles, " de toute éternité ", au coeur du métier d'enseignant ?
Dans certains métiers totalement dépendants des technologies, le renouvellement des compétences est évident. Il en va autrement en éducation scolaire : ni la vidéo, ni l'ordinateur, ni le multimédia n'ont, à ce jour, bouleversé le métier d'enseignant. De ce point de vue, la continuité apparente l'emporte sur la rupture. Si de nouvelles compétences surgissent, ce n'est
donc pas pour répondre à de nouvelles possibilités techniques, mais parce que la vision ou les conditions d'exercice du métier se transforment.

Les représentations et les pratiques pédagogiques nouvelles se développent progressivement.Elles se déploient d'abord à la marge, dans des écoles et des classes atypiques, bien avant d'être reconnues et adoptées par l'institution et la profession. Si bien qu'à chaque moment de l'histoire d'un système éducatif, on observe un large éventail de pratiques et donc de compétences, allant des plus traditionnelles aux plus novatrices.

Parler de compétences nouvelles serait donc exagéré si cela suggérait une " mutation ". On assiste plutôt à une recomposition progressive de l'éventail des compétences dont les enseignants ont besoin pour exercer leur métier efficacement et équitablement. Certaines façons de " faire la classe " disparaissent lentement, alors que d'autres prennent progressivement de l'importance. Certaines, qui étaient au cœur du métier, appartiennent
désormais à la tradition alors que d'autres, réservées aux militants, s'intègrent peu à peu à l'identité et aux ressources de l'enseignant de base. La nouveauté est d'autant plus difficile à apercevoir que les mots utilisés pour désigner les
grandes familles de compétences créent une impression de familiarité, au point que nombre d'enseignants peuvent, de bonne foi, affirmer que ces compétences ne leur sont pas étrangères, qu'ils les possèdent déjà, même si ce n'est pas toujours à un niveau élevé de maîtrise et de mise en œuvre au quotidien. Quel enseignant par exemple avouerait ne pas savoir organiser et
animer des situations d'apprentissage ?

Une partie du sentiment de familiarité naît du fait que ces thèmes sont présents dans le discours " moderne " qui accompagne les réformes scolaires ou s'enracine dans les mouvements pédagogiques et les sciences de l'éducation. Ces idées font donc partie du " paysage pédagogique " et chacun " voit à peu près " ce qu'on évoque lorsqu'on parle d'évaluation formative, de contrat didactique, de pédagogie différenciée. L'impression de familiarité est renforcée par la généralité des formulations. Elle faiblit si nous les transformons en énoncés plus spécifiques. Ainsi, " Organiser et animer des situations d'apprentissage ", c'est notamment :
__Connaître, pour une discipline donnée, les contenus à enseigner et leur
    traduction en objectifs d’apprentissage.
__Travailler à partir des représentations des élèves.
__Travailler à partir des erreurs et des obstacles à l’apprentissage.
__Construire et planifier des dispositifs et des séquences didactiques.
__Engager les élèves dans des activités de recherche, dans des projets de
    connaissance.

Analysons de même ce que recouvre la troisième famille de compétences " Concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation " :
__Gérer l’hétérogénéité au sein d’un groupe-classe.
__Décloisonner, élargir la gestion de classe à un espace plus vaste.
__Pratiquer du soutien intégré, travailler avec des élèves en grande difficulté.
__Développer la coopération entre élèves et certaines formes simples
   d’enseignement mutuel.

Si l'on prend chacune de ces compétences au sérieux, on mesure mieux l'écart qu'il y a entre, d'une part, savoir donner un cours frontal ou des " leçons " - habileté pédagogique fort bien partagée, mais assez pauvre - et, d'autre part, maîtriser une large gamme de situations et de démarches d'apprentissage, en tenant compte de la diversité des apprenants. Ces dernières pratiques demandent des compétences bien plus pointues, qui relèvent tant de la didactique que de la gestion de classe (Perrenoud, 1997 a, 1998 c).

Leur exact inventaire n'est pas l'essentiel. Des " dix commandements " aux dix petits nègres d'Agatha Christie, le nombre 10 est mythique. L'enseignement tel qu'il se profile se caractériset-il par exactement dix familles de compétences nouvelles ? Chacune se limite-t-elle aux compétences évoquées ? Évidemment non ! Il n'y a pas de nombre magique et aucune liste ne fera l'unanimité. Devant tout inventaire présenté comme définitif et fermé, le mouvement spontané d'un lecteur est de résister, d'infirmer l'incroyable prétention de l'auteur à l'exhaustivité et à la mise en ordre. Cette résistance, salutaire, détourne cependant de l'enjeu principal : penser les évolutions majeures du métier.

Paradoxalement, alors qu'il se présente comme un outil d'analyse, un référentiel a aussi une fonction de synthèse. Pris dans son ensemble, il donne à voir une profession et peut-être son mouvement historique. C'est à ce niveau qu'il faut en débattre d'abord. Pour entrer en matière, deux préalables me semblent devoir être posés et admis. Il importe :
1. de reconnaître que les enseignants ont non seulement des savoirs, mais des
    compétences professionnelles qui ne se réduisent pas à la maîtrise des
    contenus à enseigner ;
2. d’accepter l’idée que le métier change et que son évolution exige
    désormais de tous les enseignants des compétences nouvelles ou réservées
    auparavant aux innovateurs ou aux enseignants confrontés aux publics les
    plus difficiles.

Examinons d'un peu plus près ces deux thèses.

1. Admettre que les enseignants ont des compétences professionnelles.
Nul ne doute que les enseignants détiennent des savoirs. Ont-il des compétences ? Tout dépend bien entendu de la définition qu'on donne à ce concept. Si l'on entend par compétence la capacité d'agir relativement efficacement dans une famille de situations, on conviendra sans doute que les enseignants ont des compétences, mais avec un brin de dédain : calmer la classe, faire régner un certain ordre, corriger des épreuves. donner une consigne, venir en aide à un élève en difficulté, faire travailler les élèves en groupes, réexpliquer une notion mal comprise, planifier un cours, dialoguer avec des parents d'élèves, mobiliser autour d'un projet ou d'une énigme, sanctionner avec mesure, conserver son sang-froid…
Ces divers savoir-faire paraissent certes nécessaires, mais nombre de professeurs les jugent bien peu " nobles " en regard des savoirs disciplinaires. Plus on va vers l'enseignement secondaire et supérieur, plus le savoir à enseigner constitue encore le cœur de l'identité enseignante, plus les professeurs mésestiment le savoir pour enseigner, en le réduisant à un
mélange de bon sens, de cohérence, d'art de communiquer clairement. C'est pourquoi les savoir-faire seront mieux reconnus s'ils sont conçus comme la mise en œuvre de savoirs méthodologiques, eux-mêmes basés sur des savoirs savants comme la didactique des disciplines ou la psychologie cognitive. Ces savoirs procéduraux n'ont pas le prestige des sciences ou de l'histoire, mais ce sont des savoirs, moins " vulgaires " que les savoir-faire.

Lorsqu'on se situe à l'autre pôle, celui des savoir-faire sans noms ni bases savantes bien identifiées, on entre dans le domaine des " ficelles du métier ". Or, ce qui caractérise le métier d'enseignant, c'est qu'on y parle assez peu des manières de faire, du know-how, des habiletés construites au fil de l'expérience, alors que dans d'autres profession, leur diversité et leur
pertinence provoquent l'admiration des collègues. On pourrait dire, en forçant un peu le trait, que les enseignants ont le savoir-faire " honteux ".

Traiter ces savoir-faire pratiques comme des " compétences " permet-il de leur donner un statut plus enviable ? Il faudrait pour cela que le corps enseignant ait de la notion même de " compétence " une vision positive. C'est loin d'aller de soi, car dans le monde scolaire, on associe volontiers l'idée de compétences, soit à la tradition utilitariste (savoir remplir sa feuille d'impôt, lire un mode d'emploi ou changer une roue), soit à la dérive néo-libérale du monde du travail. L'émergence de la notion de compétence dans le monde des entreprises a en effet partie liée avec le mouvement vers la flexibilité, la précarité du travail et l'affaiblissement des échelles de qualification et donc des solidarités statutaires. Le monde enseignant se méfie donc de
" l'approche par compétences ", suspecte de mettre l'école au service de l'économie, au détriment de la culture générale.

Une partie du corps enseignant résiste à ces approches d'autant plus vivement et négativement qu'elles le touchent maintenant directement. En effet, les systèmes éducatifs visent à la fois :
__à expliciter et évaluer plus précisément les compétences proprement
    professionnelles des enseignants (au-delà de leur culture savante) ;
__à refondre les programme scolaires dans le sens de référentiels ou " socles "
    de compétences (Perrenoud, 1997 b, 2000 a et b).

Dénoncer la vogue des compétences apparaît donc une façon de lutter à la fois contre la rationalisation du métier et contre l'asphyxie des savoirs et de la culture. Si la notion de compétences leur apparaît managériale, technocratique, utilitariste, si elle leur semble opposée à l'humanisme et à la connaissance, comment les enseignants pourraient-ils reconnaître qu'ils
exercent eux-mêmes de nombreuses compétences, pour accomplir leur travail, faire apprendre ou simplement permettre aux uns et aux autres de coexister et de coopérer dans une classe et un établissement ?

Pourtant, je suis de ceux qui pensent, disent et écrivent que les enseignants ont des compétences professionnelles et devraient développer des compétences chez leurs élèves :
__Comme sociologue des pratiques pédagogiques, je vois que si les
    enseignants n'avaient que des savoirs, ils seraient aussi inefficaces et
    dangereux qu'un clinicien qui se serait borné à lire tous les livres de
    médecine.
__Comme sociologue du curriculum, je vois que les programmes orientés vers
    les compétences ne tournent pas le dos aux savoirs (Perrenoud, 1999 b),
    mais s'y adossent pour travailler leur transfert ou leur mobilisation face à
    des tâches complexes, sans doute au prix de quelques deuils sur la quantité
    de savoirs enseignés.
__Comme sociologue de la formation professionnelle, je vois que le déni des
     compétences conduit à bâtir des plans de formation qui ignorent une partie
     des gestes du métier et perpétuent les non dits (Perrenoud, 1995, 1996 a)
     et les zones d'ombre grâce auxquelles les étudiants qui suivent une
     formation à l'enseignement imaginent contre tout réalisme que leur métier
     consiste essentiellement à " transmettre des savoirs ". Comme sociologue
     des professions, je vois que l'absence de reconnaissance collective
     des compétences des enseignants entretient des hiérarchies liées aux
     savoirs enseignés, comme s'il était plus complexe d'enseigner la chimie ou
     la géographie au niveau du lycée que la lecture à des enfants de 5-6 ans.
__Comme sociologue intéressé par l'échec scolaire et les inégalités sociales
    devant l'école (Perrenoud, 1984), je vois que le déni des compétences ne
    prépare pas à différencier son enseignement et à travailler avec les élèves
    en difficulté ou qui donnent pas spontanément du sens à l'école (Perrenoud,
    1994 b, 1997 a).
Heureusement, lorsque les enseignants ont une formation universitaire, même très académique, ils sont capables d'apprendre de l'expérience, de réfléchir et de forger " sur le tas " les compétences sans lesquelles ils ne pourraient survivre dans une classe. Sans garantir une pratique réflexive, un niveau élevé de formation intellectuelle y prédispose. L'ennui est que chacun apprend alors pour soi, sans même se douter qu'il retrouve souvent, par des cheminements incertains et laborieux, les acquis des sciences sociales et humaines et les savoirfaire des pédagogues.

Il importe donc d'affronter et d'analyser la réalité du travail enseignant (Tardif et Lessard, 1999) de procéder à une transposition didactique à partir des pratiques réelles (Perrenoud, 1998 a) de rééquilibrer dans ce sens les programmes de formation des maîtres, d'articuler les compétences identifiées à une véritable culture de base en sciences de l'éducation et de les
développer au gré d'une démarche clinique et réflexive de formation en alternance (Perrenoud, 1998 b).
Se préoccuper des compétences, c'est d'abord plaider pour une formation professionnelle des enseignants qui soit fondée sur la réalité des pratiques. Mais c'est aussi se donner les moyens de faire évoluer le métier en développant de nouvelles compétences.

2. De nouvelles compétences : pour que tous apprennent
Dans l'analyse des raisons de plaider pour la professionnalisation du métier d'enseignant, on trouve deux types de facteurs : d'une part, des  transformations des conditions d'exercice du métier, d'autre part, des ambitions accrues assignées aux systèmes éducatifs.

Parmi les transformations, on constate partout dans le monde (Perrenoud, 1994 a) :
a. Une concentration de populations à hauts risques dans certaines régions ou  
    certains quartiers, dans lesquels l'action éducative n'a de sens qu'associée à
    une action sanitaire, sociale et communautaire qui s'attaque à la violence, à
   la pauvreté, à la malnutrition et autres maux liés au sous-développement ou
   à la désorganisation urbaine.
b. Une diversification culturelle et ethnique des publics scolaires, qui
    confronte les enseignants avec les élèves dont les codes culturels, le sens de
    la discipline, le rapport au savoir sont d'une diversité non seulement
    croissante, mais surprenante, et qui se renouvelle au gré des flux
     migratoires.
c. Une hétérogénéité croissante des acquis scolaires. L'école primaire scolarise
    désormais tous les élèves, quel que soit leur milieu d'origine. Au secondaire,
    on repousse la sélection. en maintenant des classes hétérogènes dont la
    gestion est difficile pour des professeurs habitués aux élèves acquis aux
    études et qui fréquentent les filières les plus élitaires.
d. Le flou dans la division du travail éducatif s'est accru, parce que les parents
    ont conquis les moyens de se défendre contre l'autorité de l'école, de se
     comporter en " consommateurs d'école " (Ballion, 1982), de négocier
     localement, mais aussi à large échelle, à travers leurs associations.
     Aujourd'hui, la famille se mêle de l'instruction, l'école est invitée à faire
     œuvre éducative, on ne sait plus très bien quelles sont les compétences et
     les limites des uns et des autres. Les attentes réciproques sont fortes,
     souvent déçues, " l'autre " semble en faire toujours plus ou moins qu'il ne
     devrait…
e. On assiste à une inflation et à un renouvellement rapide des savoirs à
     enseigner, pour suivre l'évolution des savoirs savants, les nouveaux
     courants didactiques, les réformes curriculaires sont devenues quasi
    incessantes, si bien que les enseignants ne parviennent plus à stabiliser des
    routines.
f. Le système éducatif fixe des objectifs d'apprentissage de " niveau
    taxonomique " croissant, des capacités et des compétences telles que savoir
    apprendre, résoudre des problèmes, prendre des décisions, argumenter,
    imaginer, coopérer, débattre, anticiper, communiquer. Fort bien, mais
     comment enseigner ce qui ne s'enseigne pas à la façon des savoirs et ne
     peut que s'entraîner, s'exercer dans des situations complexes ?
g. Les écoles parallèles (la télévision, les médias) et les nouvelles technologies
    privent l'école du monopole du savoir. Le temps n'est plus où l'instituteur
    ou le professeur pouvaient à bon compte " émerveiller " leurs élèves en les
    faisant accéder à des mondes scientifiques ou culturels insoupçonnés.
h. La dégradation du sens de l'école s'accentue en un temps où un diplôme ne
    garantit plus la réussite sociale, ni même un emploi. Les sociétés doutent de
    leur avenir et n'offrent plus guère de perspectives mobilisatrices aux élèves.
    Pourquoi travailler à l'école ? Pour réussir dans la vie ? Les médias montrent
    chaque jour que ceux qui tiennent le haut du pavé ne se sont pas tous
    ennuyés des années sur les bancs d'école, que le show-business ou le crime
   organisé paient mieux que les études longues.
i. La démocratisation de l'accès aux études marque la fin des " héritiers ", ces
    élèves qui n'ont pas besoin qu'on leur explique pourquoi il importe 
    d'étudier. Même s'ils chahutent et ne veulent pas travailler constamment, ils
    ont une complicité fondamentale avec l'enseignant. Les élèves dont
    l'héritage culturel ne prépare pas aux savoirs et au travail scolaire mettent
    en échec les enseignants qui prennent le désir de s'instruire comme un
    acquis et ne savent pas le développer.

Enseigner n'a jamais été un métier tranquille. Il est toujours confronté à l'autre, à sa résistance, à son opacité, à ses ambivalences. Toutefois, en raison de ces multiples transformations, il apparaît de plus en plus difficile d'enseigner et surtout de faire apprendre. Dans le même temps, le niveau de connaissance et de compétence des nouvelles générations devient un enjeu politique et économique majeur. Enjeu économique parce que le " capital
humain " reste un atout décisif pour le développement et la survie dans la concurrence internationale. Enjeu politique aussi, parce que, sans garantir la générosité et l'altruisme, encore moins la liberté, l'égalité et la fraternité, l'instruction est néanmoins une condition nécessaire de la démocratie et de la capacité de construire un ordre négocié, de ne pas sombrer dans la violence ou le fanatisme lorsque la société est déchirée par des crises.

On attend donc des systèmes éducatifs une efficacité accrue, alors même que les budgets diminuent et que les conditions de travail et les publics sont plus difficiles. L'école n'a plus droit à l'échec, elle ne peut plus rejeter ceux qui " ne veulent pas travailler ". Il ne suffit plus de faire progresser ceux qui travaillent à l'école et saisissent le sens spontanément de cet investissement, il faut gagner à la cause de l'instruction des élèves pour lesquels " la vie est
ailleurs ".

C'est pourquoi les compétences nouvelles requises touchent autant à des didactiques pointues, fondées sur les sciences cognitives, qu'à des approches transversales alliant la psychanalyse et la sociologie, qui visent à créer ou maintenir - donc à expliquer et comprendre - le désir d'apprendre, le sens des savoirs, l'implication du sujet dans la relation pédagogique et la construction d'un projet.

3. Dix familles de compétences plus une
On ne peut dissocier les compétences d'un rapport au métier. Pour former des maîtres plus compétents, alliant une posture réflexive et une forte implication critique dans le développement de la société (Perrenoud, 1999 a, 1999 c, 2001), il faut que se développe la professionnalisation du métier d'enseignant (Perrenoud, 1994 a, 1996 b, 1997 c).

Le mot est à la mode, mais l'idée fait peur. Chacun souhaiterait sans doute bénéficier du niveau d'expertise qu'on associe à une profession, avec le prestige, le pouvoir et le revenu qui en découlent. Mais les acteurs hésitent davantage à assumer la part d'autonomie et de responsabilité qui va de pair avec l'exercice d'une profession. Les autorités veulent conserver
leur contrôle sur les enseignants et les établissements. Ces derniers ne souhaitent pas rendre des comptes (Perrenoud,.2000 c).

Référentiel complet
Dix domaines de compétences reconnues comme
prioritaires dans la formation continue des professeurs

1. Organiser et animer des situations d'apprentissage
__Connaître, pour une discipline donnée, les contenus à enseigner et leur
    traduction en objectifs d'apprentissage
__Travailler à partir des représentations des élèves
__Travailler à partir des erreurs et des obstacles à l'apprentissage
__Construire et planifier des dispositifs et des séquences didactiques
__Engager les élèves dans des activités de recherche, dans des projets de
    connaissance

2. Gérer la progression des apprentissages
__Concevoir et gérer des situations-problèmes ajustées aux niveaux et
    possibilités des élèves
__Acquérir une vision longitudinale des objectifs de l'enseignement primaire
__Etablir des liens avec les théories sous-jacentes aux activités
   d'apprentissage
__Observer et évaluer les élèves dans des situations d'apprentissage, selon une
    approche formative
__Etablir des bilans périodiques de compétences et prendre des décisions de
    progression

3. Concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation
__Gérer l'hétérogénéité au sein d'un groupe-classe
__Décloisonner, élargir la gestion de classe à un espace plus vaste
__Pratiquer du soutien intégré, travailler avec des élèves en grande difficulté
__Développer la coopération entre élèves et certaines formes simples
   d'enseignement mutuel

4. Impliquer les élèves dans leur apprentissage et leur travail
__Susciter le désir d'apprendre, expliciter le rapport au savoir, le sens du
   travail scolaire et développer la capacité d'autoévaluation chez l'enfant
__Instituer et faire fonctionner un conseil des élèves (conseil de classe ou
   d'école) et négocier avec les élèves divers types de règles et de contrats
__Offrir des activités de formation optionnelles, "à la carte"
__Favoriser la définition d'un projet personnel de l'élève

5. Travailler en équipe
__Élaborer un projet d'équipe, des représentations communes
__Animer un groupe de travail, conduire des réunions
__Former et renouveler une équipe pédagogique l Confronter et analyser
    ensemble des situations complexes, des pratiques et des problèmes
    professionnels
__Gérer des crises ou des conflits entre personnes

6. Participer à la gestion de l'école
__Élaborer, négocier un projet d'établissement
__Gérer les ressources de l'école
__Coordonner, animer une école avec tous les partenaires
__parascolaires, quartier, associations de parents, enseignants de langue et
    culture d'origine)
__Organiser et faire évoluer, au sein de l'école, la participation des élèves

7. Informer et impliquer les parents
__Animer des réunions d'information et de débat
__Conduire des entretiens
__Impliquer les parents dans la valorisation de la construction des savoirs

8. Se servir des technologies nouvelles
__Utiliser des logiciels d'édition de documents
__Exploiter les potentialités didactiques de logiciels en relation avec les
    objectifs des domaines d'enseignement
__Communiquer à distance par la télématique
__Utiliser les outils multimédia dans son enseignement

9. Affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession
__Prévenir la violence à l'école et dans la cité
__Lutter contre les préjugés et les discriminations sexuelles, ethniques et
    sociales.
__Participer à la mise en place de règles de vie commune touchant la discipline
    à l'école, les sanctions, l'appréciation de la conduite
__Analyser la relation pédagogique, l'autorité, la communication en classe
__Développer le sens des responsabilités, la solidarité, le sentiment de justice

10. Gérer sa propre formation continue
__Savoir expliciter ses pratiques
__Établir son propre bilan de compétences et son programme personnel de
    formation continue
__Négocier un projet de formation commune avec des collègues (équipe,
    école, réseau)
__S'impliquer dans des tâches à l'échelle d'un ordre d'enseignement ou du DIP
__Accueillir et participer à la formation des collègues

(Source: Classeur Formation continue. Programme des cours 1996-97, Genève,
Enseignement primaire, Service du perfectionnement, 1996.)

par Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation,
Université de Genève, 2001


05/10/2009
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