Inspection Oued Fodda (Chlef)

Inspection Oued Fodda (Chlef)

Bienvenue sur le blog des échanges pédagogiques !

 

Bonne reprise aux enseignants de français, en particulier

 les enseignants des daïrate d'El Karimia et Oued Fodda.

 Vous pouvez télécharger le manuel de 5e AP adapté,

 le guide du manuel, et les plans annuels des 3e, 4e AP et 5e AP,

 à la rubrique documents officiels

 

nous livrons ce passage de P. Meirieu, une analyse fine du processus

d'apprentissage,tel quel malgré sa longueur. L'écourter constituerait

un sacrilège, tellement le ton est juste et le propos limpide.

Nous y adhérons sans aucune réserve.

 

  On croit parfois, sans doute parce que cela renvoie à une apparente rationalité, que les différents niveaux de l’apprentissage s’emboîtent comme des poupées russes : il y aurait d’abord une phase d’identification au cours de laquelle le sujet mettrait en œuvre des activités perceptives appuyées sur des capacités sensorielles, suivie d’une phase centrée sur la signification dans laquelle le sujet intégrerait la nouveauté en percevant son intérêt, l’usage qu’il peut en faire ou le sens qu’il peut lui donner, et ensuite une phase d’utilisation où le sujet réinvestirait la connaissance, l’utiliserait à des fins personnelles, bref en maîtriserait enfin l’usage et la posséderait vraiment. Les connaissances s’emboîteraient alors ainsi : je dois d’abord savoir que le marteau est dans l’atelier, je dois ensuite savoir à quoi sert le marteau pour pouvoir, enfin, utiliser cet outil.

 

  Certes, une telle conception peut avoir une valeur régulatrice pour permettre d’organiser un cours ; elle est d’ailleurs très largement réfractée par la plupart des manuels scolaires : on y repère d’abord, on y comprend ensuite, on fait des exercices enfin. Mais, en réalité, cette conception ignore la réalité des processus mentaux ; elle ignore, en particulier, qu’une simple identification perceptive n’existe pas, qu ‘une information n’est identifiée que si elle est déjà, d’une certaine manière, saisie dans un projet d’utilisation, intégrée dans la dynamique du sujet et que c’est ce processus d’interaction entre l’identification et l’utilisation qui est générateur de signification, c’est-à-dire de compréhension.

 

  Observons cet adolescent qui dévale les pentes d’une montagne : il court et saute tout en contrôlant sa vitesse en fonction de ses ressources physiques et de l’appréciation permanente du contexte. A chaque instant, il maîtrise le paysage, aussi bien dans sa configuration générale que dans les moindres aspérités sur lesquelles il pourra poser correctement son pied, prendre appui pour accélérer ou, au contraire, freiner sa course. Il perçoit, identifie, une multitude d’éléments, mais ces éléments il les sélectionne dans l’instant, au point que l’opération de perception et celle de sélection sont absolument confondues et que ce qui les associe, c’est ce qui les finalise, c’est-à-dire un projet et des ressources personnelles, en un mot un sujet. En formalisant un peu plus cette expérience __qui est sans doute très proche de ce que nous faisons quand nous prenons des indices dans un texte pour en construire le sens, c’est-à-dire le lire__, on peut dire qu’un apprentissage s’effectue quand un individu prend de l’information dans son environnement en fonction d’un projet personnel. Dans cette interaction entre les informations et le projet, les premières ne sont décelées que grâce au second et le second n’est rendu possible que grâce aux premières ; l’apprentissage, la compréhension véritable, ne surviennent alors que par cette interaction, ils ne sont que cette interaction, c’est-à-dire qu’ils sont création de sens.

Extrait de Philippe Meirieu "Apprendre oui mais comment", p.54.

 

 

 

Inscris
Inscris !
Je suis Arabe
Le numéro de ma carte : cinquante mille
Nombre d’enfants : huit
Et le neuvième… arrivera après l’été !
Et te voilà furieux !

Inscris !
Je suis Arabe
Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine
Et j’ai huit bambins
Leur galette de pain
Les vêtements, leur cahier d’écolier
Je les tire des rochers…
Oh ! je n’irai pas quémander l’aumône à ta porte
Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais
Et te voilà furieux !

Inscris !
Je suis Arabe
Sans nom de famille - je suis mon prénom
« Patient infiniment » dans un pays où tous
Vivent sur les braises de la Colère
Mes racines…
Avant la naissance du temps elles prirent pied
Avant l’effusion de la durée
Avant le cyprès et l’olivier
…avant l’éclosion de l’herbe
Mon père… est d’une famille de laboureurs
N’a rien avec messieurs les notables
Mon grand-père était paysan - être
Sans valeur - ni ascendance.
Ma maison, une hutte de gardien
En troncs et en roseaux
Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?
Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

Inscris !
Je suis Arabe
Mes cheveux… couleur du charbon
Mes yeux… couleur de café
Signes particuliers :
Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré
Et ma paume est dure comme une pierre
…elle écorche celui qui la serre
La nourriture que je préfère c’est
L’huile d’olive et le thym

Mon adresse :
Je suis d’un village isolé…
Où les rues n’ont plus de noms
Et tous les hommes… à la carrière comme au champ
Aiment bien le communisme
Inscris !
Je suis Arabe
Et te voilà furieux !

Inscris
Que je suis Arabe
Que tu as rafflé les vignes de mes pères
Et la terre que je cultivais
Moi et mes enfants ensemble
Tu nous as tout pris hormis
Pour la survie de mes petits-fils
Les rochers que voici
Mais votre gouvernement va les saisir aussi
…à ce que l’on dit !

DONC

Inscris !
En tête du premier feuillet
Que je n’ai pas de haine pour les hommes
Que je n’assaille personne mais que
Si j’ai faim
Je mange la chair de mon Usurpateur
Gare ! Gare ! Gare
À ma fureur !

Mahmoud Darwich - Rameaux d’olivier - 1964 

Pour apprécier la version authentique (vidéo you tube avec traduction en français),

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la carte d'identité, mahmoud darwich