Chaabi: el maknassia
El
Maknassia
Auteur : Sidi
Qaddour el 'Alami
Interprète :
cheikh El'Anqa
Istikhbâr :
Des vérités sur
l'amitié se trouvent dans les livres.
Mais où sont
passées ces vérités ? Ont-elles disparu ?
C'est le destin
qui unit deux êtres d'amitié;
en l'absence de
l'un, l'autre le représente parfaitement
et élève son rang;
il ne tolère pas de le voir dénigrer en public ;
son amitié est
telle qu'elle éclipse tout autre amitié;
il manifeste de l'hostilité aux alomniateurs.
bayt :
Mon cœur ne
s'attristerait pas quand on se réjouit de mon malheur ?
Pourrais-je
quitter ces lieux, ô mon Dieu, sans me sentir affligé ?
Exilé de mon pays,
pourrais-je encore frayer avec les hommes ?
C'est à Haouz
Bouteiba que j'ai connu la fortune, là où les êtres nobles, à l'âme pure,
étaient ma lumière je les ai abandonnés, séparation qui blesse mon cour.
Je suis loin de
mes proches, de mes amis, des miens, des êtres les plus chers et cette
séparation blesse mon coeur.
Serait-il en paix
celui qui a fait de moi la risée des hommes ?
Trouverait-il le
salut celui qui m'a voué à l'égarement et à l'errance ?
Honte sur vous,
habitants de Mekhnès ! vous croyant hommes vertueux, ma demeure était sous
votre protection.
Ma confiance dans les hommes, voilà la cause de ma ruine.
çiyàh :
J'ai tant enduré
depuis la séparation d'avec les miens qu'on m'a traité de fou, à cause de mes
plaintes incessantes.
C'est pour moi une certitude, ô mon frère germain, que rien ne me consolera
d'être séparé de mes frères par ma mère.
Si ma joie était visible, ma tristesse était enfouie.
Ma bouche riait mais les ténèbres remplissaient mon cœur ; j'étais patient avec
mes ennemis, je dissimulais mes malheurs, et, tel un nageur dans la mer, je
relâchai mes membres pour affronter les impolis.
bayt :
C'est ainsi que
j'ai enduré les revers de la vie.
Mes forces déclinèrent, mon silence grandit, je devins muet.
J'étais incapable de me réconcilier, de me battre, tant j'étais, en ce monde
éphémère, obsédé par mon malheur.
J'ai choisi de faire de cette histoire un poème symbole, composé sur un parchemin, à l'aide d'une écriture étrangère, loin de toutes harmonies comme le serait une belle citadine de Fès enlaçant un gnaoui grossier
refrain çiyàh :
Ils furent
nombreux à souhaiter cet exil, à se réjouir de mes malheurs et de ma détresse ;
ils furent nombreux à me manifester de la bienveillance, à compatir à mon sort,
à pleurer sur mes épreuves; ils furent nombreux à me conseiller, à embellir le
départ de mon foyer; ils furent nombreux à me railler et à m'accabler le jour
où je quittai mes amis, mon nid pour aussitôt me retrouver simple locataire.
bayt
Que d'amis
m'entouraient quand j'avais du bien !
Nuit et jour, ils peuplaient
ma demeure; que d'amis et de relations en ce temps où je tenais toujours table
ouverte !
Ils ne songeaient
qu'à la trahison et au profit tels des poissons qui, la tête hors de l'eau,
poursuivent les hameçons.
Cette blessure m'a
révélé la conduite des hommes; quand je me retrouvai sans toit, ni argent, si
j'en rencontrais un, il se contentait d'un signe de tête comme s'il ne m'avait
jamais appelé par mon nom !
refrain
Dans cette
version, el Anqa a fait l'impasse sur un çiyàh.
bayt
ne cessent de le
calomnier; sans prendre de poignards, ils dépècent promptement sa chair.
Comme des loups,
ils hurlent nuit et jour.
Leurs démons
surgissent, spontanément sans cérémonie.
Cette blessure m'a
révélé la conduite des hommes; malheur à celui dont la bourse s'est
vidée !
Mais mieux vaut
[posséder] un sou de cuivre que de fréquenter certaines gens.
refrain -çiyàh :
Où sont mes
compagnons, mes innombrables camarades ?
Où sont mes
intimes ? Où sont mes amis ?
Je n'ai vu aucun
d'eux, à l'heure de la détresse.
Ils se voilent la
face, ils se dissimulent délibérément, sans considération de mes bienfaits,
sans se souvenir de mes bontés, comme si j'étais un étranger arrivé dans cette
ville; les uns ne m'ont plus jamais adressé la parole, d'autres ne
cessaient de m'interpeller; c'est ainsi que des hommes abjects me rappelaient
ma situation.
bayt
Comment oublier
mes épreuves dans les ruelles de Mekhnès ?
Mon exil, les
nuits passées dans des caves de minotiers ?
Dans les marchés
sordides, les échoppes finirent par me rejeter ainsi que les chambres, les
auberges et même les nattes.
Que de nuits j'ai
veillé sur le sommeil de mes amis !
Et me
qu'ils prolongent
en m'accablant de réprimandes et de mesquineries.
Mieux vaut dormir
sans dîner que partager un repas fâcheux.
Plutôt la misère
et l'exil qu'une amitié malveillante !
refrain çiyàh :
Où sont mes amis
que je croyais vertueux, capables de me protéger, si j'en étais réduit à les
solliciter ?
Ils se mirent à me
dénigrer, à m'insulter avec des paroles plus douloureuses que piqûres
d'aiguilles.
J'ai enseveli mon
malheur dans la tristesse de mon cour, je me suis soumis aux décrets du Destin.
Mon indépendance,
ma dignité, mon honneur ne se trouvent que dans mon foyer.
bayt
Dieu soit
Miséricordieux aux maîtres glorieux, aux patriarches qui ont transmis tous les
enseignements à la postérité.
Les moments
difficiles te révèlent la nature de l'homme en société.
Ton ami d'hier
peut devenir un ennemi avisé.
Qui sait écouter
[ces hommes illustres]. son malheur se dissipera et ses contrariétés cesseront;
il en tirera un bien, des mois et des années durant..
Malheur à qui
construit sa muraille sans fondations !
Malheur à qui se
mêle au combat sans épée !
Malheur à qui
prend la mer sans capitaines !
Malheur à qui
escalade les cimes sans cordée !
refrain - çiyàh :
ui étaient jadis
et ma fierté et mon orgueil.
Leurs ongles et
leurs dents m'ont marqué de leur venin.
Ils ont aboyé
après moi, tels des êtres hargneux.
Ils accueillent
leurs amis avec des paroles de bienvenue, mais leurs âmes sombres sont
dépourvues de tendresse.
Ils ont des cours
plus durs que la pierre, des visages rigides pareils aux cadenas d'acier à
l'épreuve des chocs.
Par Dieu, on ne respecte
plus les dévots.
bayt
C'est ainsi qu'on
traite les hommes en ce monde d'illusions.
C'est ainsi que le
destin détruit toute nation.
Les jours se
succèdent, à la saveur tantôt amère, tantôt douce ou tantôt infernale; tel jour
se partage entre bien-être et quiétude.
L'homme demeure
sous la protection du Dieu Munificent, Eternel.
Chaque matin, il
prie son Seigneur de lui accorder paix et bien-être.
Celui qui se fie à
son ennemi doit avoir l'œil exercé; s'il évite le premier coup, il sera anéanti
par le second.
Il recevra les
flèches tirées des arcs, et la malédiction de l'opprimé servira de leçon
[édifiante] à l'oppresseur.
refrain - çiyàh :
Par Dieu, ma
douleur et les tourments de mon cœur ont pour seule cause la joie de mes
ennemis, que je prenais pour des amis.
Partout où je me
dirige, Dieu m'accompagne.
Que d'envieux ont
souhaité mon malheur !
Je loue Dieu
d'avoir toujours eu ma part de biens.
Lui, Le Généreux,
a changé ma peine en repos.
Il m'a dispensé,
dans cette vie, récompenses et gratifications, à mes ennemis, il a infligé
jugements et châtiments.
bayt
Seras-tu en paix,
toi qu'attendent l'épée d'Azrail, le tombeau et le Royaume, le Jour du Jugement
Dernier ?
Peux-tu t'élever,
toi qui vis toujours dans la bassesse ?
Toi dont l'âme te
murmure que tu es le meilleur ?
A la moindre
atteinte, tu t'effondres, ô fils d'Adam !
Si riche sois-tu,
tu seras porté dans un cercueil.
En ce monde, tu as
été créé de la terre de "Nasnas''; tu finiras dans la tombe, homme
injuste !
Regarde ce que
recouvrent tes habits, toi qui es plein d'impuretés.
Ah si le vêtement
ne dissimulait pas les turpitudes !
bayt final
Qaddour El Alami,
l'intelligent, le bon a dit :
"Homme avisé,
crains Dieu, sinon tu le regretteras''.
J'ai obéi
docilement aux maîtres et aux cheikhs.
Le Seigneur, le
Puissant connaît le fond des cœurs.
Je suis un sage
instruit par des hommes intelligents et sagaces; je suis considéré, cultivé et
mon maître est un savant éminent.
Je me suis conduis
selon les prescriptions divines; j'ai vécu dans la sérénité.
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